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Actes du webinaire “L’habitat Intergénérationnel”

Mardi 31 mars 2022 de 10h00 à 11h30

10h00 : INTRODUCTION

Farid Taleb, directeur de l’association Futurâge

Bonjour, je vous remercie vivement de votre présence à notre nouveau webinaire. Nous sommes heureux de vous savoir aussi nombreux ce matin. Cela montre l’intérêt pour ce type de format mais aussi pour la thématique choisie. Avant de rentrer dans le vif de sujet, un mot sur le dispositif Savoir Être Aidant, que nous portons avec l’association Campus Urbain et qui permet de former en ligne les aidants familiaux de personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap. Il s’agit d’un dispositif entièrement gratuit. Nous proposons aussi des formations en présentiel grâce au soutien de la Conférence des financeurs du Val-de-Marne. Donc je lance un appel aux associations ou aux communes qui rencontrent des aidants de ne pas hésiter à nous solliciter afin d’en savoir plus sur le contenu de ces formations et les thèmes qu’il est possible de mettre en place au sein de vos locaux.

Je vais donner la parole au premier intervenant, Monsieur Dominique Argoud, le directeur de l’UFR Sciences sociales de l’Université Paris-Est Créteil et également sociologue. Monsieur Argoud va introduire le sujet et poser les bases de compréhension en abordant les enjeux, les formes et les limites de l’habitat intergénérationnel.

 

10h05 : enjeux, formes et limites de l’habitat intergénérationnel

Intervenant : Dominique ARGOUD, directeur UFR Sciences sociales de l’Université Paris-Est Créteil et sociologue

Bonjour tout le monde. Je suis sociologue, à l’Université Paris-Est Créteil au sein d’un laboratoire qui s’appelle le LIRTES et je travaille sur les questions de vieillissement depuis très longtemps. Je suis heureux de cette invitation puisqu’il se trouve que les deux thématiques : celle de l’inter-génération et celle de l’habitat font partie des thématiques sur lesquelles je travaille depuis longtemps. Donc, cet évènement permet de croiser deux thématiques qui ne sont pas nouvelles, mais qui connaissent une sorte de renouveau.

Mon propos est d’introduire et de remettre un peu en perspective, d’essayer de voir en quoi la thématique est d’actualité. L’actualité résulte toujours d’une histoire. Ça n’arrive jamais par hasard. Vous avez peut-être vu passer un communiqué de presse qui doit dater d’il y a à peine deux semaines du ministère de l’Education nationale et du ministère de l’Autonomie. Donc, Jean-Michel Blanquer et Brigitte Bourguignon qui lancent une opération intitulée « les jumelages intergénérationnels ». C’est une promotion en quelque sorte des relations intergénérationnelles entre les écoles et les EHPAD et résidences autonomie. On retrouve un petit peu un retour de l’histoire finalement dans cette orientation pour laquelle le ministère souhaite favoriser ce type de relation notamment dans une perspective de lutte contre l’isolement des personnes âgées.

Alors, je reviendrai là-dessus en conclusion, ce n’était pas forcément prévu que j’en parle aujourd’hui, mais je trouve que ce n’est pas inintéressant d’évoquer ça en conclusion avec de mon point de vue une visée plutôt critique à l’égard de cette orientation. Avant d’arriver sur ce point-là je vais un peu reprendre les choses dans l’ordre. La thématique de l’intergénération a toujours existé. Mais c’est un sujet dont les pouvoirs publics se sont saisis dans les années 90. Précisément en 1993 déclarée « année européenne des personnes âgées et de la solidarité entre les générations ». C’est la première fois qu’on avait ce genre d’intitulé.

Jusque-là, les années symboliquement ciblaient des problèmes sociaux ou des catégories d’âge. Cela va générer dans la France entière et sans doute en Europe de multiples actions intergénérationnelles qui ne sont pas croisées avec la question d’habitat. De multiples initiatives originales où il s’agissait de faire découvrir quelque chose qui existait, mais qui était assez invisible. Si les pouvoirs publics s’en sont emparés, dans une période de crise avec notamment « le trou de la sécu » ou la « guerre des générations », c’était pour montrer qu’il y avait plein de choses qui se faisaient et qu’on était dans une société ou des liens et des solidarités existaient réellement.

Et dans les choses un petit peu symbolique qui m’avaient marqué à l’époque, vu qu’il y avait plein de comités, de prix pour encourager et valoriser ce qui se faisait sur le terrain, j’avais suivi une opération qui s’intitulait « Valse et Rap » menée dans un territoire rural. C’était une action où les jeunes allaient faire découvrir au plus anciens leur nouvelle façon de faire de la musique, le rap, et les anciens allaient faire découvrir aux jeunes quelque chose qu’ils pouvaient considérer comme désuet, la valse. Je trouve que « Valse et Rap » était assez symptomatique de ces initiatives des années 90.

La limite de ces initiatives ce qu’on va appeler progressivement le « vivre ensemble » c’est que ceux qui sont à l’initiative de tout ça sont les secteurs des retraités et des personnes âgées au sein des communes particulièrement. Souvent ils allaient trouver un partenaire chez les plus jeunes pour faire des choses. On aura notamment des initiatives avec des crèches qui s’implémenteront à proximité d’EHPAD. C’est important de se le rappeler dans l’histoire de la construction même de l’intergénérationnel.

J’ai vu venir la question de l’habitat à l’époque où je participais à un réseau qui s’appelait les « Universités d’été intergénérations » qui étaient pilotées par les Petits frères des pauvres dans un site qu’ils avaient en Sologne et qu’ils avaient intitulé « Centre de rencontres des générations ». De ce centre en Sologne est née une association qui existe toujours qui s’appelle Assemblage. C’est un réseau qui à l’origine était national, mais qui maintenant est plutôt centré sur le nord de la France. C’est au sein de ce réseau en 2001 qu’a été évoqué cette question autour du sujet « Habiter ensemble : comment tisser du lien entre les générations ».

C’est l’intergénérationnel qui est allé vers l’habitat. L’habitat est un support, au-delà des rencontres nombreuses dans les années 90, un moyen d’ancrer l’intergénérationnel dans du dur. On commençait à partir des années 2000 à explorer cette dimension. Ces questions ont donc seulement 20 ans. J’ai fait une étude exploratoire dans les années 2000 afin de voir, qu’indépendamment de l’EHPAD et des foyers logement, il y avait de nouvelles formes d’habitat qui apparaissaient et qui ne rentraient pas dans les catégories habituelles. Alors j’avais fait une typologie à l’époque de ces 5 nouvelles formes d’habitat en France. Je vais les énumérer sachant qu’il y en a une parmi les 5 qui nous concerne dans ce webinaire :

• Il y avait d’abord ce que j’avais appelé l’habitat adapté. C’est un habitat qui utilisait notamment la domotique. Habitat le plus adapté au vieillissement pour la vie quotidienne.
• Il y avait l’habitat service. Des habitats qui intégraient en leur sein l’accompagnement des personnes vieillissantes.
• Il y avait l’habitat partagé. C’est une forme de regroupement de domiciles individuels, une forme de collocation, c’était l’idée.
• L’habitat autogéré, c’était le plus médiatique notamment en Ile-de-France.
• Et l’habitat intergénérationnel.

Donc cinq idéotypes. Ils sont contestables puisque, ils ne sont pas complètement distincts les uns les autres. La dimension intergénérationnelle et très présente d’une manière générale dans toutes ces formes d’habitat. Ce n’est pas quelque chose qui est réservé et mis en avant uniquement par l’habitat intergénérationnel, mais aussi par les 4 autres types d’habitat que je viens d’évoquer. Alors qu’est-ce que ce cache dans ce que j’ai identifié comme étant un habitat intergénérationnel ? Il y a trois types de modalité intergénérationnelle. Je vais aller du plus large au plus petit.

Le plus large c’est le quartier intergénérationnel. Evidemment il y a toujours plein d’acteurs qui sont impliqués mais c’est souvent à l’échelle d’une commune où il y a un quartier, nouveau ou réhabilité. C’est une zone qui ne se limite pas à un immeuble. Un quartier pour lequel on va profiter du fait qu’on part de zéro pour construire une sorte d’architecture et d’urbanisme favorisant le lien social. J’ai eu la chance d’en suivre un. Comme je disais souvent à son promoteur, ce n’était qu’un champ de betteraves à l’origine. Il m’avait invité, avant de faire le projet, à l’accompagner en tant que sociologue. Ce qui est une démarche intelligente. Il s’agissait de l’expérience de Saint Apollinaire près de Dijon où le maire a eu la volonté de modeler la ville en fonction de ce que l’on souhaite promouvoir : l’intergénérationnel.

Le deuxième niveau, plus restreint, c’est l’immeuble intergénérationnel. C’est moins ambitieux, mais on n’a pas toujours la possibilité de partir de zéro sur un quartier. Il faut faire avec ce qui existe. On a parfois des immeubles neufs avec des bailleurs qui souhaitent mettre en avant l’idée de l’intergénérationnel comme parfois on a des immeubles déjà existants, mais on va réfléchir à la politique de peuplement pour que l’immeuble ait cette mention d’intergénérationnel et que le lien puisse se créer. Les bailleurs sociaux sont très partants sur cette idée-là. C’est sans doute là que l’on aura les plus grosses erreurs de faites en matière d’habitat intergénérationnel.

Et le troisième niveau il s’agit du binôme : une personne âgée et un jeune au sein d’un logement. On a 2 âges distincts, ou plutôt 2 individus d’âge distinct. Je n’en parle pas plus puisqu’il y aura un exposé sur cette formule-là qui s’est développée un peu partout en France depuis une bonne quinzaine d’année.

Donc, l’analyse que je fais de cette évolution, de cette diffusion de l’habitat intergénérationnel : il y a une citation à laquelle je repense souvent car elle montre la force et en même temps la limite de mon point de vue de l’habitat intergénérationnel. C’est un opérateur HLM que j’avais interviewé pendant mes recherches : « L’intérêt quand on fait du logement social, cela permet de parler d’autre chose que de ressources ou de personnes qui ont des difficultés et d’avoir un côté positif pour concevoir un immeuble. C’est une façon de faire du logement social qui motive les élus, c’est très vendeur ». Je prends le terme « vendeur » justement au sens où c’est une idée qui est tellement valorisé dans la société qui se plaint du manque de lien social, du manque de lien intergénérationnel que ça abouti à des dérives potentielles.

Il y a beaucoup de dérives potentielles, mais il y en a deux évidentes. La première, c’est que beaucoup d’expériences pionnières – évidemment il faut toujours des gens qui essuient les plâtres au début – portées par des initiatives immobilières n’ont pas compris que la question de l’intergénérationnel touche à la question du lien social. Et la question du lien social n’est pas quelque chose d’aussi simple que de construire des murs. Ça touche à des choses que les sociologues connaissent bien, qui est particulièrement difficile à manier. Le lien ne se crée pas comme ça du jour au lendemain. C’est pour ça que dans ma carrière, j’ai vu beaucoup d’échec de bailleurs qui ont fait de l’intergénérationnel parce que c’était vendeur. Cela consistait – je suis caricatural – à faire des logements et à avoir une politique de peuplement négociée pour avoir une diversité des âges et à concevoir une salle commune en bas qui devait être le lieu dans lequel la rencontre entre les générations devait se faire. Alors, évidemment ça ne marche pas. La mayonnaise ne prend pas comme par magie. Il ne suffit pas de mettre des gens ensemble pour que du jour au lendemain il y ait des relations, du lien qui se crée. Ce qui n’est pas le cas de l’initiative de Saint Apollinaire qui avait d’emblée mis des moyens humains bien en amont. Une personne chargée de faire en sorte que la mayonnaise prenne. On ne laissait pas faire les choses naturellement comme par magie. Il y avait une vraie réflexion, un vrai projet pour que du lien puisse se créer entre les gens, avec les partenaires concernés pour que les choses puissent se faire.

La deuxième limite c’est que l’idée de l’habitat intergénérationnel est tellement forte que ça nous empêche de voir une dimension essentielle de l’intergénérationnel, c’est la réciprocité du lien. Or beaucoup de projets n’ont pensé l’intergénérationnel que dans un sens, les uns aident les autres. Alors que le lien ne peut marcher que s’il y a du don et du contre don, si ça marche dans les deux sens. Je vais vous donner la caricature la plus forte sur le sujet. Nous avions analysé également les projets de résidences séniors qui se développent dans le Sud-Ouest et qui sont l’antithèse de l’intergénérationnel. Elle s’apparentent aux fameuses « Sun Cities » américaines, des quartiers entiers où il n’y a que des seniors tout est fait pour les personnes âgées, elles sont totalement adaptées niveau mobilité, etc. Mais il n’y a pas de jeunes, c’est même interdit aux jeunes. En réalité en France ce serait très mal vu, on a une culture républicaine du vivre ensemble non pas de la ségrégation, des ghettos de vieux. Même les résidences séniors vendent dans leur publicité leur intégration à la Cité, le lien avec les jeunes générations, etc. Mais il y a tromperie sur la marchandise dans le sens ou c’est un lien qui est dans un seul sens : ce sont les personnes qui vivent dans cette résidence qui vont pouvoir facilement accéder à la Cité, qui vont pouvoir facilement accéder à l’extérieur mais l’inverse n’est pas vrai.

Pour conclure je pense que dans les années qui viennent, cette idée d’habitat intergénérationnel et le succès que rencontre la notion d’habitat intergénérationnel ne va pas se démentir. Nous sommes une société qui a besoin de revivifier un lien social que tout le monde constate comme le cloisonnement pouvant exister entre les populations, à ne pas considérer comme forcément le synonyme de richesse de la vie humaine. Je crois que c’est encore un bel avenir. Mais même si je pense qu’il faut qu’on plaide en cette faveur, ce n’est pas la raison pour laquelle il faut faire n’importe quoi. Je crois qu’il faut avoir conscience que ce n’est pas qu’une question d’architecture, c’est une question de lien social. Le lien social se manie prudemment, il se réfléchit. Nous n’avons pas tous les mêmes conceptions de la forme qui doit prendre l’intergénération. Un projet nécessite d’y réfléchir en amont d’une manière qui ne peut être qu’intersectorielle. A l’image d’initiatives comme à Saint Apollinaire, mais également ce qui se fait dans la cadre du réseau francophone des villes amies des ainés par exemple.

Je pense qu’il ne faut surtout pas laisser un acteur seul avoir l’apanage de mettre en place un habitat intergénérationnel. Cela ne peut pas marcher. C’est là que je renvoie à l’origine où je disais que les services retraités et personnes âgées faisait la promotion de cette dimension. Si dans la ville, le service enfance ou jeunesse n’est pas impliqué au même titre que le service retraités et personnes âgées, cela ne peut pas marcher. Par définition l’habitat intergénérationnel met en lien, d’abord plusieurs publics, mais aussi plusieurs services administratifs ou politiques publiques.

Et puis je finis avec la petite critique que je voulais apporter aux jumelages intergénérationnels promu par les ministères cités plus tôt. Il ne peut pas en découler des choses négatives de favoriser du lien parce que l’idée qui est derrière est la lutte contre l’isolement des personnes âgées. Il y a notamment une opération qui n’est pas nouvelles qui consiste à inciter les enfants à écrire des courriers à des personnes âgées isolées. Mais ce qui est fascinant c’est que cette orientation-là ne peut pas s’empêcher de générer un kit du jumelage. On nous dit ce qu’il faut faire en quelque sorte. C’est l’antithèse même de projet intergénérationnel ou les projets d’habitat intergénérationnel qui nécessiterait de réfléchir collectivement sur un territoire donné à ce qui est souhaitable de faire. Mais là on a la marche à suivre, on nous mâche le travail et ça, ça me parait un peu inquiétant dans la manière de concevoir des projets, cette sorte de méthodologie prédéterminé. Et puis par ailleurs la nature même du projet n’est pas aussi ambitieuse que ce que vont nous présenter les deux intervenants qui viennent puisque là on met vraiment les deux extrêmes : l’EHPAD et l’école primaire. Comme si l’intergénérationnel se limitait à ses deux âges extrêmes et ces deux institutions.

Le cœur même de l’intergénérationnel n’est pas dans l’école et l’EHPAD. Il est dans le mélange des âges quel que soit les âges et les institutions. Tout ça pour dire que ce n’est pas inutile mais c’est vraiment le petit bout de la lorgnette. Ce n’est pas du tout, de mon point de vue, une politique ambitieuse pour favoriser le lien ou l’habitat intergénérationnel.

 

10h35 : Logement partagé : engagements et vie quotidienne d’un binôme senior-jeune

Intervenant : Amélie DECOUCHE, directrice de l’association Le Pari Solidaire

Bonjour. Je vais vous présenter tout d’abord la cohabitation intergénérationnelle solidaire, c’est-à-dire chez les particuliers, au domicile des seniors et ensuite un dispositif qu’on appelle « Voisins du Cœur » qui est de l’habitat intergénérationnel en résidence autonomie et en résidence sociale. Notre association a été créée en 2003 suite à la canicule qui avait mis en avant le fort sentiment d’isolement des personne âgées. En parallèle il y a eu le problème, toujours d’actualité, d’insuffisance de logements pour les jeunes à Paris et en région parisienne. Avec ces 2 problèmes, la fondatrice a décidé de créer ce dispositif de cohabitation intergénérationnelle solidaire pour mettre en relation les jeunes qui cherchent un logement avec les personnes âgées qui vivent seuls à leur domicile. Le Pari Solidaire fait partie du réseau Cohabilis qui regroupe des associations autour du logement intergénérationnel dans toute la France.

Le concept de la cohabitation intergénérationnelle est de mettre en relation et faire cohabiter un jeune de moins de 30 ans avec un senior de plus de 60 ans au domicile du senior. La personne âgée va mettre à disposition une chambre pour le jeune en échange d’une contrepartie financière, ou alors gratuitement en échange de quoi le jeune va passer du temps auprès de la personne âgée. C’est un dispositif solidaire pour les 2 personnes. Le jeune et le senior s’entraident et vont partager des moments ensemble. Nous proposons 2 formules : une formule solidaire où le jeune va être logé gratuitement. Le jeune va s’engager à être présent à des horaires régulières auprès de la personne âgée. Donc le soir et un week-end sur deux en soirée aussi. Et la formule conviviale, avec une contrepartie financière modeste, c’est-à-dire bien en dessous des prix du marché de la location à Paris ou en Ile de France. Et en échange de quoi le jeune vit avec la personne âgée mais n’a pas d’engagement de présence horaire.

C’est un échange gagnant-gagnant pour les 2 parties. Cela va leur permettre de ne pas être seul. Pour les jeunes qui arrivent de la Province ou de l’étranger et qui se retrouvent dans une ville qu’ils ne connaissent pas, cela va leur permettre de mieux s’intégrer. Cela va aussi leur permettre d’accéder à un logement plus confortable qu’une chambre de bonne ou autre. Là ils ont accès à la chambre dans le logement et aux partie communes, donc un logement qui va être calme qui va leur permettre de poursuivre leurs études ou leur travail. Pour les jeunes c’est aussi une envie d’aider les seniors à rompre avec l’isolement.

Pour les personnes âgées cela permet d’avoir une présence rassurante et bienveillante d’un jeune qui va leur permettre de rester à domicile le plus longtemps possible dans la mesure ou leur état de santé le permet. Le jeune n’est pas du tout une aide à domicile. Dans le cadre de la formule conviviale où le jeune reverse un loyer, cela va permettre un complément de revenus pour la personne âgée. Ce dispositif est un moyen pour les personnes âgées de se rendre utile socialement, c’est-à-dire d’avoir envie d’aider un jeune.

Depuis 2018 ce dispositif de cohabitation intergénérationnelle solidaire a été encadré par la loi. C’est la loi ELAN qui prévoit un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire pour les séniors et les jeunes. C’est rassurant de savoir qu’il y a un cadre légal à ce dispositif. Il s’agit d’un contrat civil, ce n’est pas un bail. Il précise le lien intergénérationnel pour les jeunes de moins de 30 ans et les personnes de plus de 60 ans. C’est un dispositif solidaire dont l’objectif premier et le renforcement du lien social. La loi ELAN prévoit une contribution financière modeste, donc bien en dessous des prix du marché. A Paris on s’est fixé comme prix maximum 350€/mois charges comprises. La loi ne précise pas ce que c’est qu’une contribution financière modeste donc ce sont les associations qui décident du caractère modeste de la contribution.

C’est un dispositif qui est possible dans le parc privé mais aussi dans le parc social. Dans ce cas il faut informer le bailleur qui ne peut pas s’y opposer. Et le contrat prévoit un mois de préavis si l’une des parties souhaite mettre fin au contrat. Deux ans après la loi ELAN une charte a été établie qui a suivi le contrat établi par la loi ELAN. La charte prévoit des valeurs à respecter qui sont la discrétion, la tolérance, le respect et la convivialité, le civisme, le savoir-vivre et la solidarité. Le jeune et le senior doivent signer cette charte. La personne âgée doit mettre à disposition une chambre privée et bien sûr un accès aux parties communes. Donc le jeune aura accès à la salle de bain, la cuisine… Le jeune doit avoir un usage paisible des lieux, maintenir le lieu dans son état d’origine et n’a pas le droit de recevoir de personne chez lui, sauf s’il s’arrange avec la personne âgée.

Il y a une étude réalisée par le réseau Cohabilis en partenariat avec la CNAV qui montre que pour 80% des accueillants, les personnes âgées, ce dispositif répond à leurs attentes ou au-delà de leurs attentes. Les personnes âgées sont globalement très contentes de la qualité des relations.

Depuis 16 ans nous avons mis en place plus de 4000 cohabitations et annuellement on est à une centaine de cohabitations avec un taux de renouvellement à plus de 70%. Donc comment ça se passe : le jeune et le senior vont contacter l’association. Les jeunes plus souvent sur notre site internet. Ils vont remplir un dossier de candidature avec une lettre de motivation. On va fixer ensuite un entretien à l’association. Quant aux personnes âgées elles vont nous appeler dans la plupart des cas. Ou leur famille va nous appeler pour prendre un rendez-vous à domicile. Pour la personne âgée, le premier rendez-vous est à domicile pour qu’on puisse visiter les lieux. Ensuite il y a la mise en relation. Nos chargés de cohabitation vont faire le lien entre les personnes, selon leurs attentes et leurs affinités. Et ensuite elles vont se rencontrer, le jeune au domicile du senior, pour une première rencontre. S’ils sont d’accord on va commencer la cohabitation en leur faisant signer le contrat de cohabitation et la charte avec les obligations réciproques de l’un et de l’autre.

Souvent on fait des contrats d’une année universitaire donc de septembre à aout. Et tout au long de l’année, le binôme sera suivi par des chargés de cohabitation qui auront fait le lien à l’origine. Le suivi va permettre de voir si tout se passe bien, est-ce qu’il y a de la communication au sein de la cohabitation et, si besoin, faire une médiation. A noter qu’il y a des frais liés à l’adhésion à l’association, des frais de de dossier et des frais de visites.

Nous travaillons à Paris et en Ile-de-France. Nous sommes en partenariat avec la ville de Paris et dans le Val-de-Marne avec Choisy-le-Roi, Vitry-sur-Seine, Villejuif et Cachan. Nous avons un employé, un service civique, dans chacune de ces villes. Ils font la promotion de la cohabitation intergénérationnelle au sein de ces villes.

Le deuxième dispositif dont je voulais vous parler, c’est le dispositif « Voisins du Cœur » que nous avons mis en place aussi il y a une dizaine d’années. Il s’agit de logement intergénérationnel au sein de résidence autonomie ou de résidence sociale. L’objectif commun c’est de lutter contre l’isolement des seniors, de tisser des liens de proximité et de créer du lien intergénérationnel dans des logements. Alors en résidence autonomie on a des partenariats où on va loger 3 à 4 jeunes de 18 à 30 ans pour un loyer très modéré en échange de quoi ils vont proposer des temps de permanence auprès des seniors lors d’activités au sein de la résidence autonomie. Il y a une salle commune où le jeune va faire des permanences le soir. Il y a un programme donc les personnes âgées savent quand le jeune est dans la salle commune et viennent participer aux activités qui sont proposées en soirée et le week-end.

En résidence sociale ce sont des partenariats avec des bailleurs sociaux qui nous louent un ou plusieurs logements dans un immeuble social où nous logeons des jeunes à moindre coup et en échange de quoi ils vont devoir créer du lien avec les seniors de leur immeuble et des immeuble voisins. Il y a une vraie relation entre le jeune et les seniors. Le gardien de l’immeuble va aider les jeunes à s’intégrer dans la résidence sociale et à lui faire rencontrer les seniors, communiquer auprès d’eux. Si les seniors ont besoin qu’on leur rende visite, qu’on fasse une promenade, etc. Les jeunes sont dans cette résidence et s’engagent à aider les seniors.

Magaly DAVID, Conseil départemental 94 : Quand une personne âgée ou un jeune souhaite participer au programme est-ce qu’il y a une liste d’attente ? Vous avez beaucoup de demandes ou est-ce que ça peut aller très vite ?

Amélie DECOUCHE, Le Pari Solidaire : On a beaucoup plus de jeunes qui postulent que de seniors. Il va y avoir une sélection des profils en fonction de ce que cherche la personne âgée. Tous les jeunes qui postulent ne vont pas forcément être retenus pour un entretien. L’entretien se fait dans la semaine qui suit, si sa candidature est retenue.

Marianne ISABELLE, Conseil départemental 94 : Bonjour, je voulais savoir si les bailleurs jouent le jeu et s’il y a avait beaucoup de demandes de personnes âgées ?

Amélie DECOUCHE, Le Pari Solidaire : Les bailleurs jouent le jeu effectivement parce que c’est l’un de leurs objectifs que de créer ce lien intergénérationnel. On est en contact avec plusieurs bailleurs sociaux. Je ne peux pas vous dire que ça marche très bien parce qu’on a des personnes âgées intéressées mais le fait que la contribution financière soit encadrée dans le cadre du parc social (au prorata des mètres carrés mis à disposition du jeune) ne représente pas un complément de revenus très élevé pour le senior. Dans le parc social c’est aussi un des bénéfices recherché : le complément de revenus donc cela peut être un frein pour la personne âgée. On a des binômes dans le parc social mais on souhaite développer ce partenariat avec les bailleurs.

Farid TALEB, FuturAge : En amont comment vous faites matcher les binômes ? Et pendant la vie commune comment se créent les affinités qui permettent une vie quotidienne respectueuse et harmonieuse entre les deux ?

Amélie DECOUCHE, Le Pari Solidaire : Nous du coup on va bien entendu chercher à mettre en relation un jeune et un senior qui ont des points communs soit par rapport aux études du jeune et l’ancien travail de la personne âgée. Soit des points communs sur une activité ou un sujet qui les intéresse tous les deux. On prend en compte les envies de la personne âgée mais aussi le lieu géographique du logement. Ensuite ils ont une première rencontre. S’ils veulent vivre ensemble alors cela va être en fonction des moments qu’ils vont partager ensemble que va se créer le lien : regarder un film ensemble, faire une promenade ensemble, aller au musée ensemble… Selon ce qui les motive. C’est propre à chacun de créer leur relation et le lien qui les relie.

Sarah AMRAM, Citae : Quand les jeunes bénéficient d’un logement intergénérationnel dans le parc social, ça leur évite peut-être quelques années avant l’attribution d’un logement social à leur nom ? Et quand le jeune passe 31 ans, est-ce que vous les accompagner pour trouver une autre solution ?

Amélie DECOUCHE, Le Pari Solidaire : Exactement il n’y a pas d’attribution de logement social, le jeune passe par l’association. Nous sommes locataire du bailleur et le jeune est un adhèrent de l’association. Après 30 ans, le jeune doit anticiper cette situation car le cadre légal nous limite à cet âge l’accompagnement. Mais on leur propose d’autres dispositifs. La plupart auront fini leurs études donc ils commenceront à gagner leur vie et du coup à pouvoir se permettre un autre type de logement.

Farid TALEB, FuturAge : Par rapport aux villes du Val de Marne citées, comment se passe le lien avec les services civiques de votre association ?

Amélie DECOUCHE, Le Pari Solidaire : Il y a des réunions régulières, des temps de permanence dans les villes pour que les seniors puissent venir se renseigner sur ce dispositif. Ensuite on va à la rencontre des séniors en rentrant en relation avec les CCAS, avec les clubs seniors, avec les évènements où les personnes âgées sont présentes. Il y a de la communication, de la prospection avec les acteurs qui sont en lien avec les personnes âgées. Le but étant vraiment de crée des binômes dans ces villes.

 

11h00 : Programmation et animation de résidences intergénérationnelles

Intervenant : Pierre-Inder KAVERI, entreprise solidaire Récipro-Cité

Je vais aujourd’hui évoquer la programmation et l’animation des résidences intergénérationnelles notamment que développent Récipro-Cité. Je vais commencer par la présentation de l’entreprise. Aujourd’hui, Récipro-Cité est une entreprise d’environ une cinquantaine de collaborateurs. On a développé depuis maintenant une dizaine d’années une trentaine de tiers-lieux et maisons des projets. Maison des projets, c’est l’espace commun dans nos résidences intergénérationnelles qu’on développe et qu’on anime. On en a une petite quarantaine sur toute la France. On va atteindre bientôt les 7000 bénéficiaires, de tous les âges. Les bénéficiaires, chez Récipro-Cité, c’est l’ensemble des habitants des résidences intergénérationnelles qu’on anime et l’ensemble des utilisateurs des services qu’on développe (notamment dans le cadre de tiers-lieux plus servicielles qu’on appelle conciergerie participative).

Aujourd’hui, Récipro-Cité est une entreprise de l’économie sociale et solidaire, donc agréée ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) par l’État. Cela inscrit dans nos statuts un certain nombre de caractéristiques, notamment cette mission sociale qu’on porte au cœur de tous nos projets, qui guide nos missions et notre manière de faire. Notre mission sociale est « Impulser et co-construire avec toutes les parties prenantes et à toutes les échelles d’un projet urbain les conditions du vivre et du faire ensemble à tous les âges, pour favoriser l’émergence d’une société plus solidaire. »

Ça rejoint un peu ce que disait le premier intervenant, avec lequel j’étais d’accord sur ces questions d’échelle. Nous nous parlons d’échelle de projets urbains, parce que nous travaillons beaucoup dans le milieu de l’urbanisme, de l’immobilier et de l’aménagement, donc avec des acteurs institutionnels, collectivités territoriales, opérateurs, promoteurs, aménageurs, gestionnaires bailleurs, bailleurs sociaux, associations locales, etc., mais aussi et surtout avec les utilisateurs et les usagers eux-mêmes. Chez Récipro-Cité nous souhaitons faire participer les usagers dès la conception des projets, sur notamment des questions de vivre ensemble dans des espaces communs. De ce fait, il y a des questions d’échelle, des questions de faire à tous les âges ensemble parce que nous avons un focus sur le vieillissement de la population.

Initialement Récipro-Cité est né sur une conviction de répondre à 3 grandes problématiques que sont :
– Le délitement du lien social,
– La baisse du pouvoir d’achat,
– Le vieillissement de la population.
Nous tentons de répondre à ces 3 grandes problématiques sociétales à travers notamment le développement de l’habitat intergénérationnel.

Comment est-ce qu’on en est arrivé là ?

Ci-dessous la chaîne des métiers de Récipro-Cité

Le premier bloc à gauche : Récipro-Cité est avant tout un cabinet de Conseil pour accompagner un certain nombre d’acteurs, que je vous ai cités tout à l’heure. Nous accompagnons des maîtrises d’œuvre urbaine et sociale dans le cadre de la réhabilitation de parcs vieillissants, pour notamment des bailleurs sociaux, mais aussi dans d’autres types de projets urbains et immobiliers.

Le deuxième bloc : Le métier d’assistance à maîtrise d’usage (AMU), métier phare de Récipro-Cité. C’est un métier relativement nouveau, mais qui se structure déjà aujourd’hui, notamment à travers le réseau de l’AMU avec un certain nombre de cabinets qui font pas mal de choses similaires, mais des choses plus spécifiques. Pour définir ce qu’est l’AMU aujourd’hui, c’est des études qui visent à replacer les usagers au cœur de la conception et de la mise en œuvre des projets. De ce fait, nous parlons aussi de co-construction de co-conception. Quand on détermine un programme, notamment dans le cadre de programmes immobiliers urbains, nous allons impliquer le plus tôt possible les futurs utilisateurs, les futurs usagers, que ça soit dans le cadre de tiers-lieux serviciels ou d’habitat partagé notamment intergénérationnel. C’est un ensemble d’études pour mettre en place les conditions préalables à la livraison de bâtiments et de tiers-lieux d’espaces communs.

Le troisième bloc : À la livraison de ces résidences, c’est un nouveau métier de Récipro-Cité, qui va prendre le pas : le métier de gestionnaire animateur. Qu’est-ce que la gestion animation ? C’est un professionnel qualifié qui est recruté par Récipro-Cité, qui va animer ces espaces communs, notamment dans les résidences intergénérationnelles, pour créer du lien : entre les habitants eux-mêmes, pour tisser des liens de solidarité, de voisinage ; et aussi de la création de liens entre les acteurs locaux, comme la collectivité, le CCAS, le clic, des associations locales. La gestion animation est aussi là pour créer tout un écosystème d’acteurs. Le lien social, comme dit tout à l’heure dans une précédente intervention, ça ne se décrète pas et c’est justement pour ça que les solidarités intergénérationnelles, le lien social ça nécessite une personne sur place dédiée à l’animation. Une animation à calibrer en termes de présence humaine, etc. De plus, cela nécessite aussi toutes ces études préalables d’assistance à maîtrise d’usage.

Le quatrième bloc : C’est l’exploitation de tiers-lieux. Nous avons ajouté à nos résidences intergénérationnelles, un bloc serviciel pour faire le lien avec des prestataires de services et avec l’économie locale, pour dynamiser un tissu existant qui a besoin de relais, à travers notamment une conciergerie (participative) de quartier.

Le cinquième bloc : Parce que nous sommes persuadés que nous n’arriverons pas à faire tout ça tout seuls, nous sommes agréés comme une entreprise de formation. Nous formons (notamment à destination de gestionnaires bailleurs) des équipes pour reprendre la main après les premières années de lancement de la gestion animation. Nous formons des équipes locales pour qu’elles animent ces espaces intergénérationnels.

Pour résumer ce que fait Récipro-Cité : Nous essayons de maîtriser une chaîne de création de valeur d’un projet immobilier, depuis les études préalables (la concertation avec les habitants), jusqu’à l’animation de ces tiers-lieux. Nous avons un important travail de recherche et développement, notamment inscrit dans l’agrément ESUS, qui nous permet un travail d’amélioration continue de nos méthodes.

Anticiper le vieillissement de la population

Pour se recentrer sur la problématique principale d’aujourd’hui, voici quelques chiffres sur le vieillissement de la population :

En 2030 on aura 21 millions de personnes en France qui auront plus de 60 ans. Pour anticiper, il faut traiter la question des seniors et des problématiques seniors aujourd’hui dans la ville. La part grandissante des seniors dans notre société revient à dire que traiter la question de la mixité sociale dans la ville, ça va aussi être gérer la question de la mixité générationnelle, justement parce que beaucoup de Français vont être âgés assez rapidement.

Un autre chiffre très important est que 9 français sur 10 souhaitent vieillir à domicile. On parle beaucoup de ce virage domiciliaire, qui est appelé de tous : des seniors, des aidants, mais aussi du gouvernement à travers un certain nombre de dispositifs. J’évoquerai le dispositif du réseau francophone de Ville amie des aînés, qui a été évoqué par le précédent intervenant. Nous avons une volonté de vieillir à domicile sereinement le plus longtemps possible

L’essentiel de l’habitat, aujourd’hui, est inadapté, d’une part pour des raisons techniques, mais aussi pour des raisons humaines. On parle de l’isolement des seniors et c’est notamment le levier sur lequel veut jouer Récipro-Cité « Comment faire en sorte d’adapter l’habitat techniquement et humainement ? ».

Aujourd’hui, l’habitat intergénérationnel s’inscrit dans un ensemble plus systémique, le but étant de faire évoluer l’offre d’habitat destiné aux seniors ou aux personnes autonomes, mais vieillissantes. Le faire évoluer à travers les différentes échelles, on a évoqué la colocation intergénérationnelle, les différents types d’habitats, habitats partagés, les différents types de structures qui existent pour accompagner la cellule du logement. Il y a aussi le cadre de vie, en termes d’urbanisme, on peut parler d’espace public, d’accessibilité, de transport, de mobilité, etc. Plusieurs paramètres qu’il faut également prendre en compte et que les collectivités locales se doivent de prendre en compte pour améliorer le cadre de vie général des séniors.

Et enfin la dernière brique, la filière du Care soin et santé, c’est toutes les structures médico-sociales, les services à la personne, services à domicile qui se doivent aussi de travailler main dans la main avec les collectivités dans le cadre de l’amélioration du cadre de vie et les opérateurs, l’habitat, les structures. Beaucoup de structures qui se doivent de travailler ensemble en bonne intelligence pour avancer dans le sens de l’amélioration et de l’anticipation du vieillissement de la population.

Pour rentrer plus dans le concret des engagements, notamment de Récipro-Cité pour l’intergénérationnel, on a aujourd’hui la conviction qu’il faut incarner cette transition démographique en rendant la mixité sociale et générationnelle effective et vécue. Concernant le peuplement de ces résidences intergénérationnelles, il ne s’agit pas de traiter les extrêmes. On parlait de l’école primaire tout à l’heure et des EHPAD, NON. En effet, on va traiter et peupler nos résidences intergénérationnelles avec des seniors, mais aussi des familles et des jeunes. Pour ce faire, on ne va pas que traiter le peuplement, on va aussi adapter l’habitat, on parle aujourd’hui de logement évolutif au fur et à mesure du vieillissement. On peut parler d’évolutivité des logements. Il existe aujourd’hui un certain nombre de labels pour qualifier les préconisations architecturales et précises sur la programmation des logements. On peut penser évolutivité des logements, mais on peut aussi parler d’adaptabilité et surtout du côté non stigmatisant des logements.

Pourquoi non stigmatisant ? Parce qu’il ne s’agit pas de faire entrer des personnes tout à fait autonomes dans un logement qui ressemblerait à une chambre d’EHPAD. Et c’est pour ça qu’on a une importance à donner à comment faire évoluer de manière très technique : accueillir des barres de maintiens, des bacs extra-plats pour les douches, des escaliers adaptés, des volets roulants automatiques, etc. Il y a un certain nombre de prescriptions qui doivent être inscrites, notamment dans les programmes, dans le cadre de résidences intergénérationnelles.

Lutter contre l’isolement à travers la solidarité de voisinage
Le 2e levier et le 2e engagement c’est la lutte contre l’isolement à travers la solidarité de voisinage. On est persuadé que vieillir à domicile sereinement, ça passe aussi par être avec ses voisins, les connaître, faire des activités avec eux. Cela favorisera l’attachement à la résidence, ça permet aux personnes de bien vieillir parce qu’elles restent actives et sont actives avec des personnes qui leur sont proches.

Prévenir la dépendance des séniors
Prévenir la dépendance des seniors grâce à un professionnel et un réseau de partenaires qualifiés, c’est la cohabitation et le travail main dans la main entre les professionnels de santé et des structures non médicalisées, qui sont nos résidences intergénérationnelles, dans le cadre de logements familiaux. Le but est de travailler en bonne intelligence pour prévenir des accidents de la vie quotidienne, des accidents domestiques qui se doivent d’être anticipés et non pas gérés dans l’urgence.

Contribuer à la cohésion sociale
Contribuer à la cohésion sociale grâce au lien de partage entre les générations. C’est l’engagement qu’on a, notamment à travers le recrutement de nos gestionnaires animateurs. Garder des liens de partage, c’est faire en sorte que ces séniors se rendent utiles et se sentent plus utiles.

Notre accompagnement de l’habitat intergénérationnel

Historiquement, Récipro-Cité a développé un certain nombre de dispositifs, de labels derrière lesquels se développe l’habitat intergénérationnel. Initialement, on a développé ça avec un bailleur social qui s’appelle Solar, qui fait partie du groupe 1001 Vies Habitat, anciennement groupe Logement Français. C’était sous forme associative, c’est l’association Chers Voisins qui permettait la promotion de l’habitat intergénérationnel, notamment dans le cadre de réhabilitation d’un parc de logements sociaux vieillissants. On a répliqué ce modèle dans l’immobilier neuf, avec le dispositif qu’on appelle Cocoon’ages, qui est un dispositif développé avec le groupe Eiffage notamment.
Et enfin, on a développé des résidences intergénérationnelles qui ne sont ni dans le cadre de Chers voisins, ni dans le cadre de Cocoon’ages, mais avec des bailleurs aux quatre coins du territoire national.
Derrière ces dispositifs et autres labels, on a une méthodologie, alors qui ne va pas venir se calquer sur chaque territoire, mais qui va s’adapter. Il y a tout de même une structure qui va globalement fonctionner de cette manière.

1. Étude d’opportunité
Étude d’opportunité, car tout territoire n’est pas propice au développement d’une résidence intergénérationnelle. Il s’agit aujourd’hui de donner les outils, à travers des diagnostics de sites, des études complémentaires pour connaître le territoire, connaître ses besoins en termes de peuplement seniors, de niveau de vie, etc. Des critères qui vont permettre de décider le développement de parcours résidentiel, d’offrir une nouvelle solution dans ce parcours résidentiel aux seniors ou aux personnes qui vont devenir seniors.

2. Assistance à Maitrise d’Usages
Suite à cette étude d’opportunité, on va mener des études, métier d’AMU. Pour rentrer dans le détail ces missions d’AMU, dans le cadre d’une résidence neuve par exemple, ça prendra à peu près la durée des travaux. Pendant ses études, Récipro-Cité va mener des missions, comme l’assistance à la programmation. En quoi est-ce que ça consiste ? On va assister le maître d’ouvrage, notamment sur la programmation des logements en soi (l’ergonomie, l’évolutivité, non stigmatisant) et les espaces communs. Récipro-Cité a pris ce parti de dire que c’est à travers l’animation d’espaces communs qu’on permettra à des personnes d’être chez eux plus sereinement parce qu’ils ont aussi un espace d’expression et un espace d’échange intergénérationnel. Pour faire vivre ces espaces communs, il nous faut travailler bien en amont, notamment dans la conception de ces espaces. Par exemple, la mise en place d’une cuisine partagée, parce que les repas partagés c’est un incontournable de la transmission intergénérationnelle ; une maison des projets, des projets avec les habitants, on va y accoler un jardin, car les jardins partagés c’est aussi un vecteur incontournable des transmissions intergénérationnelles. Donc l’assistance à la programmation, ça peut prendre différents partis avec les préconisations architecturales sur les espaces communs, sur les logements, sur le peuplement, sur la programmation granulométrique (combien de T1 vont accueillir des personnes seules, combien de T2, T3 pour des familles, etc). De ce fait, on a aussi une étude fine du territoire pour savoir comment est ce qu’on va venir construire, comment est-ce qu’on va faire la conception de ces résidences.

Ensuite, on a beaucoup de partage avec le gestionnaire autour du projet, avec des objectifs, des indicateurs. C’est aussi un travail en comité technique/comité de pilotage avec des bailleurs sociaux au sujet de la création du projet social. Qu’est-ce qu’on veut faire dans cette résidence intergénérationnelle pour que ça soit un projet social co-construit avec des parties prenantes, soit la collectivité et ses différents services (jeunesse, séniors, le CCAS). Le bailleur peut notamment acheter la résidence dans le cadre d’une VEFA par exemple, mais aussi avec le promoteur. Beaucoup d’acteurs vont avoir un rôle à jouer dans ce projet social.

Assistance à la commercialisation, réunion publique. C’est la communication autour du projet, faire savoir aux seniors, aux familles, aux jeunes, qu’une nouvelle résidence arrive sur le territoire. Un travail accompagné aussi par Récipro-Cité.

3. Gestion Animation
On a une petite partie qui est autour de la livraison des bâtiments. Au démarrage du peuplement Récipro-Cité va aller à la rencontre individuellement d’au moins 80% des habitants. C’est notamment pour briser la glace et commencer à tisser des premiers liens. On a au sein de nos bureaux d’études, des sociologues, anthropologues, etc, qui travaillent à des enquêtes, des questionnaires afin de connaître les envies, les savoirs, les savoir-faire, les besoins des résidents. Mieux les connaître permettra pour nous de créer du lien et des vrais projets. Des projets qui vont être incarnés, notamment par la gestion animation.

Cette personne, elle va faire vivre la mixité sociale et intergénérationnelle pour initier un voisinage actif, une solidarité, une veille active avec des visites de courtoisie.

Et enfin, on a la gouvernance participative qui permet de co-construire et toujours faire participer l’ensemble des parties prenantes à chaque instance décisionnaire, pour des thématiques d’horaire d’ouverture, d’accès au jardin, des thèmes qui doivent être réfléchis ensemble. Inclure les habitants, le bailleur, le gardien dans une gouvernance autour de ce tiers lieu, de cette maison des projets.

Pour résumer, on a 3 grandes phases dans notre gestion animation : au démarrage, on mobilise, puis on responsabilise, notamment autour de l’animation des espaces partagés pour qu’il puisse finalement vivre tout seul. Puis la 3e phase est l’autonomisation d’un collectif habitant.

4. Pérennisation
Comment est-ce qu’on peut pérenniser aujourd’hui Récipro-Cité ? On existe depuis une dizaine d’années, nous n’avons quitté aucun site, on garde toujours de près ou de loin une attache avec nos résidents, à travers une évaluation pour une amélioration continue, aussi à travers des comités de coordination pour toujours être au courant de ce qui se passe et de comment est-ce que la dynamique reprend. Est-ce qu’il y a nécessité d’être de nouveau sur place ? Qu’est-ce qu’il faut faire ? Des grandes questions sur le modèle de pérennisation de l’habitat intergénérationnel.

Une des pistes c’est la formation-action. On a une première promotion à Lyon qui va démarrer sur la formation d’animateurs d’espace intergénérationnel. On a des formations continues, mais pas uniquement. Beaucoup de questions qu’on se pose sur comment pérenniser l’habitat intergénérationnel.

La première mesure d’impact de l’habitat intergénérationnel

Nous avons essayé de mener la première mesure d’impact de l’habitat intergénérationnel, pour mesurer notre impact réel et améliorer notre action sur les territoires. On a construit une méthodologie, avec le cabinet, ImProve, pour construire un référentiel qui permet de mesurer l’impact sur des thématiques et critères entre le départ et 18 mois plus tard. Donc au bout d’un an et demi, on peut évaluer, on peut chiffrer l’action de Récipro-Cité.

La première étape c’est d’effectuer cette mesure d’impact auprès des bénéficiaires et ensuite évaluer dans une échelle un peu plus macro le parc d’un bailleur, la collectivité en général, quel ont été les impacts positifs ou négatifs de l’implantation des résidences intergénérationnelles.

Quatre thématiques principales sont ressorties

1. La connexion au territoire
66% de nos bénéficiaires ont le sentiment d’être au courant de ce qui se passe dans la commune. Et 18 mois plus tard, on a 1/4 de ces 66% qui a vu une évolution positive et 88% de ces personnes évoquait le fait que c’est grâce à l’action du gestionnaire animateur que la connexion du territoire de ses habitants a pu être améliorée.

2. Le sentiment de considération
Leur sentiment d’apporter quelque chose de positif à la vie de la résidence, à travers la proposition d’activités, club d’échecs, club de jeu, des projets … On a vu aussi une évolution de 22% et presque l’ensemble des personnes ont dit que c’était grâce à nos actions.

3. Connaître ses voisins
Un peu plus de la moitié de nos bénéficiaires discutaient régulièrement avec plus de 3 voisins. On a une évolution positive pour 40% et on arrive à 84% disant que c’est grâce au gestionnaire animateur, grâce à une présence sur site, qu’on a pu mieux connaître ses voisins.

4. Le lien intergénérationnel
Discuter avec des personnes d’une autre génération. 82% disaient qu’ils discutaient avec un ou plusieurs voisins d’une autre génération. On a eu 28% de nos bénéficiaires qui ont une évolution positive. C’est aussi quelque chose sur quoi on peut travailler, on a toujours des leviers. 80% ont dit c’est la présence du gestionnaire animateur pour insuffler des dynamiques intergénérationnelles qui a permis de faire évoluer.

Conclusion

Aujourd’hui l’habitat intergénérationnel, c’est une des solutions qu’on peut proposer dans le cadre d’un système qui doit être plus large (cadres de vie, d’habitat). Pour anticiper le vieillissement de la population, aujourd’hui, on a des solutions, on peut accompagner, outiller notamment les collectivités territoriales, à travers des diagnostics. C’est de plus en plus important de connaître ces populations, ces besoins.

Des outils que des cabinets comme Récipro-Cité peuvent mettre à profit des collectivités et d’acteurs comme des CCAS. Surtout adapter les solutions d’urbanisme pour pouvoir orienter des consultations ou autres. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’outils, sans même évoquer les documents d’urbanisme (PLH, PLU), qui sont à notre disposition pour aiguiller les collectivités afin qu’elles restent maîtres, notamment de l’urbanisation et du développement urbain, pour proposer toujours des solutions les plus utiles et les plus pertinentes. Évidemment, l’habitat intergénérationnel n’est pas forcément la réponse pertinente à tous les maux d’un territoire. Est-ce que c’est plutôt une résidence intergénérationnelle ? Une résidence senior service ? Un EHPAD ? Autre chose qu’il faut viser, création de liens sociaux, mailler le territoire ?

Je vous remercie pour votre attention.

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11h30 : CONCLUSIONS

Farid TALEB
Merci beaucoup, Pierre-Inder KAVERI pour cette présentation très claire et très intéressante, notamment le lien avec les promoteurs et les collectivités sur les nouvelles opérations. Ça me permet de faire le lien directement avec un projet que nous portons. Cet événement était la première étape d’un processus plus long. Je vais donner la parole à ma collègue Emma DESVALLOIS qui vous présentera le groupe de travail que nous souhaitons mettre en place au niveau local sur l’habitat intergénérationnel.

Emma DESVALLOIS
Bonjour à toutes et tous, Campus Urbain, Futur’Age, le Territoire du Grand-Orly Seine Bièvre et la ville d’Ivry-sur-Seine souhaitent mettre en place un groupe de travail sur l’Habitat Intergénérationnel. Ce groupe de travail a pour objectif de réunir de nombreux acteurs (tels que des associations, des habitants, des universités, des chercheurs, des aménageurs, etc.) afin d’échanger, de débattre et de faire émerger des solutions pour développer ces nouvelles formes d’habitats sur le territoire qui, comme nous l’avons vu lors des interventions, profitent aux jeunes et aux personnes âgées.

5 ateliers sont d’ores et déjà prévus, au rythme 1 par mois : Avril, Mai, Juin, Septembre, Octobre 2022. Suite à ces 5 sessions de travail, une synthèse des réflexions sera présentée lors des Entretiens du Campus Urbain en Octobre-Novembre 2022. Deux options s’offrent à vous :
• Intégration du groupe de travail permanent (participation à l’ensemble des ateliers)
• Participation à 1 atelier sur une thématique particulière

Le premier atelier se tiendra le 13 Avril 2022 de 15h30 à 17h à Silver Innov (changement dû à la nouvelle vague de Covid, l’atelier se déroulera en visio) et s’organisera sous forme d’une table ronde afin de déterminer les problématiques et thématiques à traiter lors des ateliers suivants. Chaque acteur pourra se présenter et fera part des difficultés qu’il rencontre, des solutions et/ou des idées de développement sur le thème de l’Habitat Intergénérationnel. À la suite de ce webinaire je vais vous envoyer un mail qui récapitulera tout ce que je viens de vous dire et par retour de mail vous pourrez me faire part de votre volonté de participation. Merci.

Jean Charles POMEROL
Merci beaucoup Farid d’avoir organisé ce webinar et d’avoir eu l’idée d’inviter des intervenants aussi intéressants. Vous savez que FuturÂge suit depuis longtemps cette problématique. Nous avons dit il y a longtemps que les EHPAD n’étaient pas la solution pour les gens qui étaient encore autonomes mais uniquement pour les gens qui ont des pathologies et qui doivent avoir un suivi médicalisé. Les évènements de ces dernières années nous ont donné raison.

Les chiffres du vieillissement rappelés par Monsieur Kaveri sont incontournables. Une personne qui a 70 ans en ce moment, ce n’est pas la même personne que celle qui dans 20 ans aura 90 ans. Donc je voudrais insister sur la nécessité de prévoir une évolutivité des logements comme l’a dit Monsieur Argoud. C’est un travail de réflexion, il ne suffit pas de construire au milieu d’une résidence, des logements pour des personnes plus âgées ou plus jeunes, ça ne suffit pas. Monsieur Kaveri l’a formidablement bien Illustré, il y a des nouveaux métiers. C’est toute une évolution qu’il faut penser. Évidemment, ce sont des investissements mais il est indispensable de faire ce travail. Il faut une vraie réflexion, il faut des animateurs, il faut qu’on prépare les gens à l’idée que dans 20 ans, ils ne seront pas comme ils sont aujourd’hui. C’était sympathique et extrêmement utile de l’avoir illustré aujourd’hui par les 3 intervenants qui sont là et je pense que ce serait bien que vous participiez au groupe de travail que nous mettons en place. Un dernier point, évoqué aussi par Monsieur Kaveri : il faut qu’on commence à mesurer ce qu’on fait parce que pour l’instant on ne mesure rien du tout. On n’avancera pas si on n’est pas capable de mesurer l’impact. Merci bien à tous.

Farid TALEB
Merci Jean Charles. Merci Dominique Argoud, Amélie Decouche, Pierre-Inder Kaveri pour vos présentations très claires et très complémentaires. Nous vous donnons rendez-vous déjà pour le groupe de travail sur l’habitat intergénérationnel, pour ceux qui le souhaitent dans un premier temps. Nous vous tiendrons informé par mail de nos prochains évènements. Bonne journée et bonne fin de semaine à tout le monde.

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